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NICOLLET DE BELLEBORNE, JEAN, interprète et commis de la Compagnie des Cent-Associés, officier de liaison entre les Français et les Indiens, explorateur;b . vers 1598, probablement à Cherbourg (Normandie), fils de Thomas Nicollet, courrier postal du roi entre Cherbourg et Paris, et de Marie de Lamer; noyé le 27 octobre. 1642 à Sillery.
Nicollet arrive au Canada en 1618, au service de la Compagnie des Marchands de Rouen et de Saint-Malo. Comme Marsolet et Brûlé, il était destiné à vivre parmi les alliés indiens afin d’apprendre leur langue et leurs coutumes et d’explorer les régions qu’ils habitaient. On ne sait rien de son éducation ou de son tempérament, si ce n’est cette remarque du père Vimont en 1643 : » son tempérament et son excellente mémoire faisaient qu’on attendait de lui des choses valables. »
Champlain, au moment de ses explorations, avait établi des relations avec les Algonquins dans le cours supérieur de la rivière des Outaouais. On suppose que, dans son désir de renforcer l’alliance qui venait tout juste de prendre forme, c’est Champlain qui ordonna à Nicollet, l’année de son arrivée, d’aller passer l’hiver sur l’île Allumette. Cet endroit était le point de ralliement de la grande famille algonquine commandée par Tessouat (décédé en 1636). L’île était située à un endroit stratégique sur la rivière des Outaouais, la route de la traite des fourrures. Il était important, pour le commerce, que les tribus vivant sur les rives de l’Outaouais soient amicales avec les Français. Nicollet séjourna deux ans à l’île des Allumettes et accomplit très bien sa mission. Il apprit les langues huronne et algonquine, vécut l’existence précaire des autochtones, connut leurs coutumes et explora la région. Ils ne tardèrent pas à l’accepter comme l’un des leurs. Ils le firent chef, lui permirent d’assister à leurs conseils et l’emmenèrent même parmi les Iroquois pour négocier un traité de paix.
Nicollet revient à Québec en 1620. Il fit un rapport sur sa mission et en reçut un autre : prendre contact avec les Nipissings qui vivaient sur les rives du lac du même nom. Ces Indiens jouaient chaque année un rôle plus important dans la traite des fourrures, servant d’intermédiaires entre les Français et les tribus indiennes de l’Ouest et de la baie d’Hudson. Nicollet avait pour tâche de consolider leur alliance avec les Français et de veiller à ce que leurs fourrures ne trouvent pas le chemin de la baie d’Hudson.
À l’été 1620, Nicollet se rendit au pays des Nipissings pendant neuf ans, il devait vivre parmi eux. Il avait sa propre loge et un magasin. Le jour, il échangeait avec les Indiens des diverses tribus qui se rendaient sur les rives du lac Nipissing, et les interrogeait sur leur pays ; la nuit, il notait ce qu’il avait glané. Ces « mémoires » de Nicollet, malheureusement perdus aujourd’hui, nous sont parvenus – directement à travers les Relations. Le père Paul Le Jeune, qui put les consulter, s’en inspira pour décrire les coutumes des Indiens de cette région.
Lorsque Québec est prise par les Anglais en 1629, Nicollet, fidèle à la France, se réfugie dans le pays huron. Il a contrecarré tous les plans anglais pour amener les Indiens à commercer avec eux.
Nicollet apparaît à Trois-Rivières et à Québec en 1633. Il demanda la permission de s’établir à Trois-Rivières comme commis de la Compagnie des Cent-Associés, et son souhait fut rapidement exaucé. Cependant, avant de prendre ses nouvelles fonctions, Champlain lui demanda sans doute d’entreprendre un voyage d’exploration et de pacification parmi les Gens de Mer, appelés aussi Puants, Ounipigons ou Winnebagoes. Ces Indiens vivaient à l’extrémité de Green Bay (Baie des Puants), entourés de tribus algonquines avec lesquelles leur relation était plutôt cool, en ce qui concerne la traite des fourrures. Une alliance entre les Gens de Mer et les Hollandais de la région du fleuve Hudson était à craindre. Il était nécessaire de rétablir la paix dès que possible dans cette région. Nicollet devait également profiter du voyage pour vérifier les informations qu’il avait recueillies concernant la mer de Chine, qui, selon les Indiens, était proche de Green Bay. Nicollet se dota donc, avant son départ, d’une robe de damas de Chine, généreusement parsemée de fleurs et d’oiseaux multicolores.
Nicollet partit à l’été 1634, probablement à la mi-juillet. Il suit la route traditionnelle de la rivière des Outaouais, bifurque à l’île Allumette en direction du lac Nipissing, puis descend la rivière des Français pour se rendre au lac Huron. En chemin, il recruta une escorte de sept Hurons. Il se dirigea vers Michillimakinac, entra dans le lac Michigan et atteignit Green Bay. Vêtu de sa robe damassée, il sema momentanément la terreur dans les Sacoches, qui le prirent pour un dieu. Il rassembla 4 000 ou 5 000 hommes, regroupant les différentes tribus de la région, et, en fumant leurs pipes à longue tige, ils conclurent une paix.
Nicollet avait atteint le premier objectif de son voyage. Malheureusement, il n’avait pas trouvé la mer de Chine. Dans une tentative infructueuse de le faire, il descendit la rivière Fox (rivière aux Renards) jusqu’au village de Mascoutens, à trois jours de la rivière Wisconsin, un affluent du Mississippi. Une poussée vers le sud, vers la rivière Illinois, n’était guère plus gratifiante. Probablement déçu du succès incomplet de sa mission, il revint à Québec à l’automne de 1635. Il n’en est pas moins vrai qu’il fut le premier homme blanc à explorer la région aujourd’hui connue sous le nom de Nord-Ouest américain.
Nicollet s’établit finalement à Trois-Rivières, comme commis de la Compagnie des Cent-Associés. Il reçoit, » en commun avec Olivier Letardif, une concession de 160 acres de terres boisées dans les faubourgs, le 23 mai 1637. » C’est peut-être à la même époque qu’il obtint, en copropriété avec son beau-frère Letardif, le fief de Belleborne, qui se trouvait probablement sur les Plaines d’Abraham, à Québec. En octobre 1637, il épousa Marguerite, fille de Guillaume Couillard et de Guillemette Hébert, dont il eut un fils et une fille. Cette dernière, dont le prénom était Marguerite, devint l’épouse de Jean-Baptiste Legardeur* de Repentigny, membre du Conseil Souverain. Jusqu’à sa mort, Nicollet se distingua comme une figure de proue de la petite ville de Trois-Rivières. Les services remarquables qu’il rendit à la colonie et sa connaissance des langues et des coutumes indiennes lui valurent le respect de tous.
Les relations jésuites parlent souvent chaleureusement de sa conduite exemplaire ; contrairement à la majorité des coureurs de bois de son temps, Nicollet semble toujours avoir vécu selon les principes de sa religion. Cependant, en 1628, il eut une fille illégitime, probablement née d’une Indienne de Nipissing. En 1633, il demanda la permission de séjourner à Trois-Rivières, » pour assurer son salut, écrit le père Le Jeune, par l’usage des sacrements. » Sa plus grande joie, dans les moments libres que lui permettaient ses fonctions, fut de servir d’interprète pour les missionnaires et d’enseigner la religion aux Indiens.
Nicollet mourut prématurément en 1642 à Québec. Alors qu’il remplaçait temporairement le greffier en chef de la compagnie, son beau-frère Letardif, on lui demanda de se rendre à toute vitesse à Trois-Rivières pour sauver un prisonnier iroquois que les Hurons s’apprêtaient à torturer. L’échauguette qui l’emmenait à Trois-Rivières a été renversée par une forte rafale de vent, près de Sillery. Incapable de nager, il s’est noyé.
Jean Hamelin
ASQ, Documents Faribault, 7; Registre A, 560f. (carries Nicollet’s signature). Champlain, Œuvres (Laverdière), V, VI. JR (Thwaites), VIII, 247, 257, 267, 295f.; XXIII, 274–82; et passim. C. W. Butterfield, History of the discovery of the north-west by John Nicolet in 1634; with a sketch of his life (Cincinnati, 1881). Godbout, Les pionniers de la région trifluvienne. Auguste Gosselin, Jean Nicolet et le Canada de son temps (Québec, 1905). Lionel Groulx, Notre grande aventure: l’empire français en Amérique du Nord (1535–1760) (Montréal et Paris, ). Gérard Hébert, « Jean Nicolet, le premier blanc à résider au lac Nipissing » (La Société historique du Nouvel-Ontario, Documents historiques, XIII, Sudbury, 1947), 8–24. Henri Jouan, « Jean Nicolet (de Cherbourg), interprète-voyageur an Canada, 1618–1642, » RC, XXII (1886), 67–83. Berjamin Sulte, « Jean Nicolet, » Journal de l’Instruction publique, XVII (1873), 166f.: XVIII (1874), 28–32; « Jean Nicolet et la découverte du Wisconsin, 1634, » RC, VI (1910), 148-–55, 331–42, 409–20; « Le nom de Nicolet, » BRH, VII (1901), 21–23; » Notes sur Jean Nicolet » (Wisconsin Hist. Soc. Coll., VIII, Madison, 1879), 188-94.