Le chef de l’Église copte en Égypte, le pape Tawadros II d’Alexandrie, tente de mener des réformes qui redéfinirraient les relations de son Église avec les autres confessions chrétiennes. Mais il fait maintenant face à une opposition interne qui n’est pas seulement doctrinale, mais politique, centrée sur les approches contrastées du pape Tawadros et de son prédécesseur, le pape Shenouda III, envers l’État égyptien.
Pendant plus de quatre décennies et jusqu’à son décès en 2012, le pape Shenouda a agi en tant que représentant politique de la communauté copte. Il percevait la relation entre l’Église et l’État, et par extension entre les dirigeants politiques et lui-même, comme celle d’égaux.
Le pape Shenouda a donné une orientation politique à sa relation avec l’État en exerçant et relâchant la pression et en échangeant le soutien politique de l’Église contre des bénéfices religieux pour la communauté copte. Il a affronté le président Anouar Sadate dans les années 1970 et il a été assigné à résidence en 1981. Bien que Sadate ait été assassiné quelques mois plus tard, il a fallu attendre 1985 pour que son successeur Hosni Moubarak libère Shenouda.
Sous Moubarak, le pape a maintenu la même perspective vis-à-vis des institutions de l’État, mais il a adapté son approche. Maintenant, évitant la confrontation, il a commencé à faire avancer les intérêts de son Église en exerçant des pressions indirectes. Des accès de violence sectaire contre les Coptes entraîneraient, par exemple, la retraite de Shenouda dans un monastère isolé, ce qui conduirait souvent le régime à s’attaquer à la hâte aux causes du problème sectaire d’une manière qui suffirait au Pape pour retourner dans son bureau au Caire.
Contrairement à son prédécesseur, le pape Tawadros ne se perçoit pas comme un leader politique, et il s’abstient de s’engager dans des négociations politiques avec les institutions de l’État. Dans les moments de tension sectaire, il déclare son plein soutien et sa confiance dans les institutions de l’État. Selon ses propres mots, le Pape Tawadros a déclaré que, pour lui, « la patrie a plus d’importance que l’Église » et qu' »un pays sans églises vaut mieux que des églises sans pays ».
Le Pape Tawadros a déjà déclaré qu’il était essentiel de soutenir l’État après le Printemps arabe, où le chaos continue de s’étendre au Moyen-Orient. Interrogé sur la différence entre lui et le pape Shenouda dans la gestion des institutions de l’État, le pape Tawadros a répondu: « Chaque époque a ses propres outils. »
Cette position a maintenant des implications pour la tentative de réforme religieuse de Tawadros. Contrairement à son prédécesseur religieusement conservateur, Tawadros a activement contacté les églises catholiques et protestantes, ainsi que d’autres églises orthodoxes. Signe du chemin parcouru par les relations, il a accepté l’année dernière une déclaration commune avec le Vatican pour ne pas dupliquer les baptêmes, ce qui signifie que les Coptes orthodoxes et les catholiques qui changent d’église ne seraient pas tenus d’être rebaptisés en fonction de leur nouvelle dénomination.
La déclaration a suscité la colère des évêques coptes conservateurs. Mgr Agathon, évêque du diocèse de Maghagha et Edwa, a critiqué publiquement le Pape Tawadros pour avoir agi sans consulter au préalable le Saint-Synode, la plus haute autorité de l’Église copte d’Alexandrie. D’autres évêques ont rejoint la même position. Mgr Makarios, par exemple, l’évêque de Minya et Abu Qurqas, a fait valoir que reconnaître les baptêmes catholiques est synonyme de reconnaître la doctrine religieuse de l’Église catholique. Face à une vague de colère, le pape Tawadros a été contraint de prendre du recul et de retravailler le document en une déclaration moins définitive.
Cela se rattache à la politique parce que la majorité des évêques qui penchent vers le conservatisme restent fidèles à l’approche politique de Shenouda face à l’État égyptien. Cela inclut Mgr Agathon et Mgr Makarios, qui se positionnent comme des figures de proue de la défense des droits coptes vis-à-vis des institutions de l’État, tout en restant très critiques des mouvements réformistes du pape Tawadros.
La plupart des Coptes traditionnels ne souscriront pas nécessairement aux idées théologiques conservatrices, mais ils ont tendance à soutenir l’approche des évêques conservateurs dans leurs relations avec les institutions de l’État. En l’absence d’autres organisations politiques qui pourraient défendre leurs droits devant l’État, de nombreux Coptes restent attachés à l’Église en tant que seule organisation pouvant venir à leur défense. Bien que de nombreux Coptes restent favorables au régime politique actuel, ils aspirent également à un négociateur plus fort pour leurs droits, comme ce fut le cas à Shenouda sous le règne de Moubarak.
Ainsi, les voix réformistes sur le front doctrinal manquent de légitimité populaire en raison de leurs attitudes politiques passives envers les institutions de l’État. Le camp conservateur, en revanche, construit sa légitimité à partir de la perception qu’il défend les Coptes devant l’État. Loin d’un argument religieux marginal, dans un contexte politique différent, l’issue de ces débats théologiques serait façonnée différemment.