Le traitement du goitre rétrosternal asymptomatique est l’une des nombreuses controverses en cours dans la prise en charge chirurgicale de la maladie thyroïdienne. Le manque de preuves de haut niveau pour guider la gestion du goitre rétrosternal a été clairement illustré dans un récent examen complet.1 Cependant, l’examen n’a pas abordé la nécessité d’une intervention chirurgicale chez les patients présentant un « goitre rétrosternal asymptomatique ». Bien que la majorité des patients des séries publiées soient symptomatiques, la prévalence des accidents thyroïdiens dans le cou et le médiastin a augmenté avec l’utilisation de plus en plus prolifique de modalités d’imagerie telles que l’échographie, la tomodensitométrie et la TEP pour des affections non liées à la glande thyroïde. Le traitement incertain de cette affection est exacerbé par l’ambiguïté entourant ce qui constitue un goitre rétrosternal. Bien qu’une petite proportion soit purement intrathoracique2, la majorité des goitres rétrosternaux sont une extension du tissu thyroïdien du cou. Plusieurs définitions ont été proposées pour clarifier la signification d’un goitre rétrosternal1, dont certaines incluent un goitre: (i) qui descend sous le plan de l’entrée thoracique; 3 (ii) avec plus de 50% de la masse située sous le plan de l’entrée thoracique; 4 (iii) avec une extension intrathoracique majeure nécessitant d’atteindre le médiastin pour la dissection; 1 (iv) poussant dans le médiastin antérieur-supérieur à une profondeur de > 2 cm; 5 ou (v) atteignant le niveau de la quatrième vertèbre thoracique.6
Cet article suppose que la plupart des cliniciens souscrivent à la première définition et suspectent /identifient un goitre rétrosternal lors d’un examen clinique, qui peut ensuite être confirmé par imagerie ou lors d’une intervention chirurgicale.
Une approche non opératoire est considérée comme la norme de soins dans le traitement d’un goitre cervical asymptomatique en l’absence de facteurs de risque cliniques ou de cytologie suspecte / maligne.7 En revanche, de nombreux auteurs ont traditionnellement recommandé la chirurgie du goitre rétrosternal asymptomatique 3, 8,9 comme prophylaxie contre la compression des voies respiratoires et veineuses (due à un saignement ou à une croissance rapide), l’hyperthyroïdie et le cancer. Les recommandations sont basées sur des séries de cas non contrôlés et observationnels qui ne comprennent qu’une faible proportion de patients vraiment « asymptomatiques ». Dans une série récente de 19 patients atteints de goitre rétrosternal chez lesquels un seul patient était asymptomatique, les auteurs ont préconisé une « excision précoce, même dans les cas asymptomatiques »‘9 Les résultats de malignité et de compromission des voies respiratoires chez des séries sélectionnées de patients présentant un goitre rétrosternal à prédominance symptomatique ne soutiennent pas un argument en faveur d’une intervention chirurgicale dans la population plus large de goitre rétrosternal asymptomatique, car la proportion de patients présentant un goitre rétrosternal qui développeraient des symptômes est largement inconnue.
Les différences dans les recommandations pour le traitement du goitre cervical et du goitre rétrosternal semblent paradoxales car ce dernier n’est pas une entité biologiquement distincte mais simplement une variante (du goitre nodulaire) en raison de son anatomie. Il n’y a aucune preuve que l’histoire naturelle du goitre rétrosternal soit différente de celle d’un goitre cervical. Une étude portant sur 672 patients atteints de goitre multinodulaire n’a montré aucun signe de risque accru de cancer chez les patients atteints d’un goitre rétrosternal.2 L’examen histologique des goitres multinodulaires montre la présence d’un cancer chez jusqu’à 14% des patients.10 Un argument en faveur d’une intervention chirurgicale précoce chez les patients atteints de goitre rétrosternal asymptomatique est l’incapacité d’obtenir un échantillon de tissu pour exclure le cancer. Bien que l’incidence de la malignité chez les goitres » asymptomatiques » n’ait pas été quantifiée, on s’attend à ce qu’elle soit plus faible que chez les goitres symptomatiques.
Bien que plusieurs études menées dans des centres isolés démontrent une faible morbidité et une faible mortalité après une intervention chirurgicale pour un goitre rétrosternal8,11 une vaste étude observationnelle comprenant 32 777 thyroïdectomies (dont 1 153 sous goitre rétrosternal) dans plusieurs centres de l’État de New York a démontré de manière convaincante que la thyroïdectomie rétrosternale (par rapport à la thyroïdectomie cervicale) était associée non seulement à un risque accru de complications – telles que des lésions récurrentes du nerf laryngé (2.1 % contre 0,6%, respectivement), hypoparathyroïdie (5,5% contre 3.5%, respectivement) – et saignements postopératoires (2,2% et 0,9%, respectivement) mais aussi avec une mortalité accrue (1,4% contre 0,1%, respectivement).12
Le terme « asymptomatique » peut avoir des connotations différentes pour les cliniciens et les patients et doit être considéré dans le contexte de l’état de santé général du patient. Par exemple, une intervention chirurgicale peut très bien être indiquée chez un patient avec un goitre rétrosternal qui a un diagnostic de longue date (bien qu’erroné) d ‘ »asthme stable », mais qui est par ailleurs « asymptomatique ».13 Dans de tels cas, les résultats des mesures de la boucle de débit volumique en plus de la radiologie conventionnelle peuvent fournir d’autres preuves d’obstruction des voies aériennes supérieures, ce qui peut aider à la prise de décision. Nous convenons que les preuves radiologiques d’un rétrécissement trachéal important et d’une obstruction potentielle des voies respiratoires peuvent être une indication d’une intervention chirurgicale chez un patient cliniquement asymptomatique. Ceci ne doit cependant pas être extrapolé pour justifier une recommandation d’intervention chirurgicale chez tous les patients présentant un goitre rétrosternal asymptomatique.