Le terme a été inventé par Gérard Prunier dans son travail sur la confrontation de 1898 entre les troupes britanniques et françaises au sud-Soudan, qu’il a également cité comme la cause de l’intervention rapide et profonde de ces dernières dans la crise du Rwanda. Il a été nommé d’après l’incident de Fashoda. Le 4 novembre 1898, un contingent de troupes françaises occupe le fort de Fashoda (aujourd’hui Kodok dans le sud du Soudan). Ils sont cependant contraints de se retirer après la prise de pouvoir d’une armée anglo-égyptienne plus importante dirigée par Lord Kitchener et la résolution du conflit par la Déclaration anglo-française du 21 mars 1899. L’incident a été considéré comme une victoire diplomatique pour les Britanniques et, par conséquent, la politique étrangère française a commencé à mettre l’accent sur une poursuite agressive de l’influence française dans les zones d’Afrique sensibles à l’influence britannique. Cette politique définissait ce qu’on appelle le syndrome de Fashoda et dénotait non seulement la querelle anglo-française en Afrique, mais aussi l’équilibre des pouvoirs entre ces deux pays, considéré comme une véritable realpolitik.
Dans l’État d’Afrique, l’historien britannique Martin Meredith a expliqué:
« Depuis un incident dans le village soudanais de Fashoda… les Français avaient été vigilants pour se prémunir contre l’empiètement des anglophones dans ce qu’ils considéraient comme leur propre arrière—cour – le pré carré. Dans ses mémoires, le général de Gaulle énumère les catastrophes qui ont frappé la France dans sa jeunesse et qui l’ont amené à se consacrer à la préservation de la » grandeur » de la France : le premier sur la liste est l’incident de Fashoda. Le » syndrome de Fashoda « , comme on l’appelait, constituait un élément fondamental de la politique africaine de la France. Pour s’assurer que les questions africaines reçoivent l’attention voulue, le bureau présidentiel français a inclus une unité spéciale pour l’Afrique — Cellule Africaine — avec une large compétence pour couvrir tout, du travail de renseignement à la corruption. »
Meredith a également conclu que l’intervention française au Rwanda en 1990 était une expression du » syndrome « . Le Rwanda se situe à la frontière entre l’Afrique » francophone » et l’Afrique » anglophone « . En 1990, il y a eu une invasion de courte durée par le Front patriotique rwandais (FPR), une coalition d’exilés tutsis et de partisans de la réforme démocratique. De nombreux membres du FPR avaient grandi dans des camps de réfugiés tutsis en Ouganda autrefois sous contrôle britannique et avaient appris à combattre dans l’armée ougandaise, et l’Ouganda était considéré par Paris comme étant, à cette époque, dans la sphère d’influence britannique.
Le complexe de Fashoda a été utilisé dans le cadre des politiques étrangères d’autres pays, en particulier l’Égypte et le Soudan. C’était aussi la base de l’interprétation française de la rébellion de Laurent-Désir Kabila.